Jeunesse et formation (1929-1955)

Daniel Argimon Granell naît à Barcelone le 20 juin 1929. Il est le deuxième des trois enfants de Salvador Argimon et de Maria Granell. Son grand-père maternel dirige une maison d’édition d’images religieuses, où Argimon travaille de 1952 à 1956 au département technique (sélection du papier, couleurs, etc.), activité qui influencera sa future carrière artistique.

Vers 1945, il réalise ses premiers dessins. Un an plus tard, il entame des études supérieures d’ingénieur électrique à l’École industrielle de Terrassa, formation qu’il abandonne en 1952, déterminé à se consacrer à l’art. Il suit dès lors des cours du soir de dessin et de peinture à l’Escola Massana en tant qu’étudiant libre.

En 1955, Argimon épouse Josefa Maza Meneses, avec qui il aura six enfants : Victòria, Isabel, Eugènia, Jordina, Sergi et Marc.

Débuts dans le monde de l’art (1956-1964)

Suivant les traces de son grand-père, Argimon participe à la promotion commerciale d’estampes éditées par une société française (Picasso, Braque, Chagall, Derain, Foujita…) et ouvre sa propre maison d’édition de reproductions, un intéressant précédent pour sa carrière. Cependant, pour des raisons financières il est obligé d’abandonner ce projet et il intègre l’usine de voitures SEAT, où il travaille jusqu’en 1963. Cette expérience professionnelle marque sa façon de penser et affecte fortement sa conception du monde, de l’homme et de la société, laissant des traces dans une œuvre qui reflétera toujours une profonde conscience sociale. Indépendamment de son travail à la SEAT, Argimon continue à peindre et entre en contact avec le monde de l’art barcelonais. En 1959, il participe à sa première exposition collective à Barcelone, à l’Ateneo Colón de Poble Nou. Cette même année, il rencontre Juan Eduardo Cirlot, poète et important critique d’art, qui non seulement soutient l’émergence des nouveaux mouvements artistiques catalans de l’époque, mais aide également Argimon sur le plan personnel et professionnel.  

À partir de ce moment, l’artiste présente ses œuvres dans diverses expositions collectives et individuelles. En tant que membre fondateur des Ciclos de Arte de Hoy (1962), qui réunit de jeunes artistes, il participe à la première exposition du groupe au Cercle Artístic de Sant Lluc. La même année, il remporte le premier accessit du Prix de dessin Joan Miró.  

Après sa première exposition solo à Lausanne (galerie Kasper, 1961), il expose individuellement en Espagne (Ibiza, Oviedo, Madrid, Barcelone, Tarragone) et au Miami Museum of Modern Art. À l’occasion de l’exposition à l’Ateneo de Oviedo, Cesáreo Rodríguez Aguilera publie une courte monographie de l’artiste.  

Séjours à l’étranger et nouveaux intérêts artistiques (1965-1975)

En 1965, Argimon reçoit le prix du Cercle Maillol de l’Institut français de Barcelone et une bourse du gouvernement français pour un séjour à Paris, où il vit pendant huit mois et étudie la lithographie à l’École des Beaux-Arts. Contrairement à l’atmosphère qu’il juge fermée et oppressante de l’Espagne des années 1960, la Ville Lumière lui offre la possibilité de s’immerger dans les nouvelles tendances artistiques, littéraires et cinématographiques de l’Europe de l’époque. Il y expose ses œuvres au Salon des Réalités Nouvelles.  

À cette période, sa position dans le monde de l’art catalan est déjà bien établie, comme en témoigne sa participation à diverses expositions collectives en 1965, dont Evocació del Modernisme (Evocation du Modernisme), organisée à Barcelone, où il expose aux côtés de Colita, Curós, Galí, Guinovart, Maspons, Ràfols Casamada, Tharrats et Vallès, ou celle organisée par l’Institut français de Barcelone, Convergencies entre el pensamiento y la plástica actuales (Convergences entre la pensée et la plastique actuelles), avec Cardona Torrandell, Cuixart, Guinovart, Puig, Gubern, Ràfols Casamada et Todó.

La publication en 1965 d’une deuxième monographie consacrée à l’œuvre d’Argimon (avec des textes d’Areán, Cirlot, Puig et Rodríguez Aguilera) confirme la reconnaissance de sa carrière artistique.

À son retour de Paris en 1967, le peintre associe l’enseignement à son activité artistique, en travaillant comme professeur de dessin au Lycée français de Barcelone jusqu’en 1986. La même année, Oriol Duran publie le premier portfolio de l’œuvre graphique d’Argimon, intitulé El coure, l’àcid i la resina : 5 resultats, 5 aiguaforts (Le cuivre, l’acide et la résine : 5 résultats, 5 eaux-fortes), avec une introduction de Roland Barthes. En 1968, l’Institute of International Education lui accorde une bourse qui lui permet de passer neuf mois à New York. Pendant cette période, il parcourt les États-Unis et visite le Mexique, pays dans lequel il établit ses premiers contacts avec des peintres locaux tels que Rojo, Tamayo et Cuevas. À New York, il perfectionne la sérigraphie au Pratt Center Institute. L’effervescence artistique et culturelle de la ville influe de façon décisive sur sa personnalité et sur son oeuvre. Elle marque également une diversification de son travail artistique. Bien que l’intérêt d’Argimon pour le cinéma ne soit pas nouveau, c’est au cours de son expérience new-yorkaise qu’il réalise ses deux premiers courts métrages : New York (8 mm, couleur) et Ibiza Single 8 (super 8, couleur). En 1969, il en réalise un troisième, Flash 69 (super 8, noir et blanc), produit par Santos Aparicio.

Sa collaboration en 1970 avec l’atelier d’architecture de Ricardo Bofill l’a amené à réaliser une vaste peinture murale pour les habitations conçues par cet architecte à Moratalaz (Madrid). À cette occasion, l’artiste tourne un nouveau court-métrage, Moratalaz (super 8, couleur), produit par l’atelier d’architecture lui-même.

Trois ans plus tard, en 1973, sa vocation pour le cinéma se concrétise à nouveau dans Homenatge a Rimbaud (Hommage à Rimbaud) (16 mm, couleur), un court métrage parrainé et produit par le Deutsches Institut de Barcelone, avec une bande sonore du compositeur Joan Guinjoan.

À partir de 1969, Argimon intensifie son travail dans le domaine de l’estampe artistique : il réalise l’albumEquidistancias (Équidistances), qui contient cinq sérigraphies introduites par un texte d’Enrique Salgado (1969) et conçoit le livre De oca a oca (Le jeu de l’oie) avec des photographies de José Adrián. Un an plus tard, il présente La Noticia (La Nouvelle), un album de cinq lithographies, publié par Santos Aparicio avec un poème de José Agustín Goytisolo et fait le design du livre du poète Ramon Canals, Poemes de 7 i no res (Poèmes légers). En 1971, un album de cinq sérigraphies est publié sous le titre DA 55-71. Douze gravures avec un texte d’introduction d’Ana María Moix sont rassemblées dans le dossier Consejos (Conseils), publié par Pascual Fort en 1975.

En 1973, il devient professeur de lithographie à l’Escola d’Arts Aplicades i Oficis Artístics (Llotja) de Barcelone, où il enseigne jusqu’à sa retraite (1995), réalisant un important travail pédagogique. Au cours de cette décennie, il présente son œuvre dans diverses expositions individuelles en Espagne : Barcelone (1969, 1971, 1971, 1973, 1975), Madrid (1972), Ibiza (1965, 1967, 1970, 1973), Santander (1965), Cordoue (1968), Tarragone (1968), Bilbao (1972) et Saragosse (1975). À l’étranger, il expose individuellement à Fort Lauderdale (1965), Cleveland (1967), Seattle (1968), Maastricht (1968), Miami (1969), Mexico City (1972) et Paris (1972).

Son travail est également présenté dans des expositions collectives nationales. Il participe à l’exposition Estampa Popular de Barcelona (1967) et aux différentes éditions de la Muestra de Arte Nuevo (MAN) (Exposition d’Art Nouveau) qui se tiennent aussi à Barcelone, ainsi qu’à l’exposition itinérante Plàstica Catalana Contemporània (Plastique Catalane Contemporaine) en Catalogne. Il participe également dans des expositions collectives à New York, Miami, Mexico, Santiago du Chili, Montevideo, Buenos Aires, Tokyo, Milan.

Consolidation artistique et rayonnement international (1976-1996)

En 1976, il achète une maison dans le petit village d’Alcanar (Tarragone), où il passe de longues périodes, créant des liens étroits avec la vie culturelle et artistique locale. À partir de cette époque, son activité picturale se développe entre son atelier de Barcelone et celui d’Alcanar (Mas Ganda). Argimon combine son travail de création et d’enseignement avec ses études à l’université de Barcelone (licence en Beaux-Arts en 1983) et avec de fréquents voyages à travers l’Espagne et à l’étranger pour présenter ses créations.

L’engagement personnel et social d’Argimon dans le monde de l’art se reflète dans les différentes fonctions et activités qu’il exerce à partir de ce moment et jusqu’à la fin de sa vie. En 1982, il est nommé président de la Federació Sindical d’Artistes Plàstics de Catalunya (F.S.A.P.C.), dont les principaux objectifs sont la représentation et la promotion des intérêts économiques, sociaux, professionnels et culturels des artistes. Argimon occupe ce poste de 1982 à 1984, et est réélu en 1987 pour cinq ans. En 1990, il est nommé membre du conseil d’administration de la toute nouvelle société des auteurs plasticiens, la VEGAP (Visual Entidad de Gestión de Artistas Plásticos), présidée par Albert Ràfols Casamada. De sa personnalité, les critiques ont mis en évidence son sens éthique et son engagement social. Entre 1983 et 1985, Argimon remporte plusieurs prix : le prix de gravure Mini Print International (Cadaqués) en reconnaissance de son travail dans le domaine de l’art graphique (1983), le deuxième prix Lassalle de Arte de Barcelone (1985) et le premier accessit de la IBienal de Arte F. C. Barcelona (1985).

L’intérêt suscité par l’œuvre de l’artiste se reflète également dans la publication, en 1976, d’une nouvelle monographie de son œuvre par le critique Josep Vallés Rovira, dans la collection Artistas Españoles Contemporáneos (Dirección General del Patrimonio Artístico y Cultural del Ministerio de Cultura). Quelques années plus tard, en 1989, Lourdes Cirlot lui consacre une autre monographie (éditions Àmbit), abondamment illustrée, et en 1993, une vaste étude monographique de Francesc Miralles est publiée (éditions Aubert, Olot).

Parallèlement, Argimon poursuit son travail dans le domaine de l’estampe artistique, et en 1977 il réalise un nouvel album avec cinq eaux-fortes, intitulé Eines (Outils) (La Polígrafa, Barcelone), et publie, en 1983, un autre travail Objects de la Nuit (Editart, Genève), avec une eau-forte et un poème de José Ángel Valente. Dans le même domaine artistique, l’Union Régionale pour le Développement de la Lithographie d’Art (URDLA) l’invite dans ses ateliers de Lyon pour réaliser une édition de lithographies.

Cette longue étape est marquée par les nombreux voyages qu’il effectue à l’occasion de l’exposition de ses œuvres à l’étranger. Des expositions personnelles ont lieu à Genève (1976, 1977, 1982), Bâle (1983), La Haye (1989), Ulm (1986, 1987, 1988, 1989) — où une exposition complète de l’œuvre graphique de l’artiste a été présentée en 1988 —, Fribourg-en-Brisgau (1988), Paris (1989, 1992, 1995), Bordeaux (1991) et Milan (1995). À Mexico City, il expose à la galerie Pecanins (1980, 1984, 1991), à l’Orfeó Català de Mèxic (1984), au Museo de Arte Moderno (1984) et au Museo Nacional de la Estampa (1991), où il présente une collection d’estampes réalisées entre 1975 et 1991.

En 1994, l’Instituto Cervantes organise une exposition de son œuvre, qui fait le tour de plusieurs villes du Moyen-Orient : Damas, Beyrouth, Amman, Le Caire et Alexandrie.

De nombreuses autres expositions personnelles ont lieu dans sa ville natale, dont, entre autres, celle de 1978 à la galerie Joan de Serrallonga — que l’artiste a intitulée Destruir para empezar (Détruire pour commencer) —, celles de la galerie Àmbit (1987, 1990), celle de l’Institut français en 1991 — où il a présenté une sélection de ses œuvres non exclusivement picturales, créées par l’intégration ou la manipulation de divers objets et matériaux — et la vaste présentation de ses dernières œuvres en 1994 dans la salle d’expositions du Banco Bilbao Vizcaya (BBV). Dans le reste de l’Espagne, des expositions personnelles ont été inaugurées à Saragosse (1975), Alicante (1975), Figueres (1976), Cuenca (1977), Cordoue (1978), Gérone (1978, 1983), Madrid (1979, 1991), Palma (1981, 1987), Cadaqués (1980, 1984, 1994), Castellón (1979), Sant Cugat del Vallès (1991) et Saragosse (1991), entre autres.

Au cours de cette période, l’œuvre d’Argimon est également présente dans plusieurs expositions collectives à l’étranger. Parmi les diverses expositions organisées à Mexico City, on peut citer Constantes del Arte Catalán Actual (Constantes de l’Art Catalan Actuel) (1991). Il convient également de mentionner sa participation à l’exposition Mini Print International (Séoul, 1988), à Autour d’Arrabal (Paris, 1991) et à Anthologie d’Estampes Originales (Lyon, 1995).

Au niveau national, il participe aussi à de nombreuses expositions collectives, notamment à Barcelone : Amnistia, Drets Humans i Art (Amnistie, Droits Humains et Art) (1976), El Gravat de Creació. Calcografia contemporània a Catalunya (La Gravure de Création. Chalcographie contemporaine en Catalogne) (1983), L’informalisme a Catalunya (L’informalisme en Catalogne) (1990) — organisée par la Generalitat de Catalunya et qui, après avoir été présentée au Centre d’Art Santa Mònica de Barcelone, a fait le tour de plusieurs villes d’Espagne — et Hommage à Sartre, 1965, qui s’est tenue en 1994 à l’Institut français. Mentionnons également sa participation, entre autres, dans les expositions collectives Homenaje a Picasso (Hommage à Picasso) (Malaga 1977), Homenaje a María Zambrano (Hommage à María Zambrano) (Madrid, 1989) et Bicentenario de la litografía (Bicentennaire de la lithographie) (Madrid, 1996). Le 23 novembre 1996, Argimon décède à Barcelone, victime d’un cancer, mais son œuvre continue d’être présentée dans des expositions comme celle organisée au Centre d’Art Santa Mònica de Barcelone (1997), celle organisée par le Museu d’Art Modern de Tarragone (1998) ou encore celle commémorant le dixième anniversaire de sa mort, en 2006, mise sur pied par l’Institut français de Barcelone.