« Ce n’est pas par hasard que j’ai rencontré Daniel Argimón derrière une presse, ajustant différents tirages d’un “bon à tirer” en tant que professeur de techniques graphiques à l’Escola d’Arts i Oficis de Barcelone. Sa lutte avec la presse, son soin dans l’encrage, sa précision dans les tirages, son dévouement au rituel de la préparation des plaques, sa tension psychique au moment de délimiter les formes et les compositions, révélaient une passion et une obsession pour la gravure qui ont fait de lui l’un des créateurs les plus féconds dans cette spécialité et l’un des artistes catalans qui y ont consacré le plus d’attention et obtenu les meilleurs résultats ». Ces propos de Daniel Giralt Miracle, publiés dans le catalogue de l’exposition du Museo Nacional de la Estampa de Mexico City (« El empirismo gráfico de Daniel Argimón », août-septembre 1991), illustrent bien la dévotion avec laquelle l’artiste s’est consacré à l’estampe et la ténacité de son travail dans ce domaine.

L’intérêt d’Argimon pour l’estampe remonte à sa jeunesse, lorsqu’il travaille, de 1952 à 1956, dans la maison d’édition de son grand-père maternel, spécialisée dans la reproduction d’images religieuses et artistiques. Au sein du service technique de l’entreprise, Argimon sélectionne les papiers, ajuste les couleurs et vérifie les tirages. Quelques années plus tard, lors de son séjour à Paris en 1965-1966, l’artiste se perfectionne en lithographie à l’École des Beaux-Arts et, en 1968, il étudie la sérigraphie au Pratt Center Institute de New York. En 1973, sa grande maîtrise de la lithographie lui vaut d’être nommé professeur de cette technique d’impression à l’Escola d’Arts Aplicades i Oficis Artístics (Llotja) de Barcelone, où il mène une activité marquante en tant que professeur jusqu’à sa retraite en 1995.

L’engagement de l’artiste dans l’estampe, en particulier la lithographie et l’eau-forte, est une constante dans sa carrière depuis sa première œuvre en 1960 et il peut être mis en parallèle avec son travail pictural en termes de contenu et de style, comme le souligne également Giralt Miracle dans le catalogue mentionné : « Le Daniel Argimón qui travaille sur le support pictural n’est en rien différent de celui qui utilise des plaques de zinc ou de cuivre ou des écrans de sérigraphie, ou de celui qui imbrique les techniques en inventant de nouvelles qualités plastiques qu’il met au service de sa narration féconde [. ..]. Son œuvre imprimée, comme sa peinture, manifeste une incontestable obsession texturale qui s’adresse à la fois à la perception visuelle et tactile ». Dorothée Bauerle s’était exprimée dans le même sens dans le catalogue de l’exposition d’Ulm de 1988 (« Zur Graphic von Daniel Argimon »), notant la similitude entre les peintures et les gravures d’Argimon. Selon Bauerle, l’artiste semble traiter « la plaque de cuivre, la pierre lithographique, comme s’il s’agissait d’une feuille de papier, comme si les doigts et les pinceaux effectuaient le même type d’intervention ». Il est à noter que l’ensemble de l’œuvre graphique d’Argimon se distingue par de faibles tirages — de sa première lithographie, il n’existe que deux exemplaires signés —, ce qui répond à une approche qui, loin d’être purement mercantile, se concentre sur l’exécution de l’œuvre, car ce qui importe à l’artiste, ce n’est pas tant la série que les effets du moyen d’expression utilisé.

Certains tirages d’Argimon sont rassemblés dans des albums et des dossiers qui tournent autour d’une même idée. Cela est patent dans les images, et dans les textes qui souvent les accompagnent. C’est le cas de la première œuvre présentant ces caractéristiques, l’album El coure amb l’àcid i la resina : 5 resultats (1967) avec cinq eaux-fortes — allant d’une légère référence figurative à l’abstraction — et un texte introductif de Roland Barthes sur le langage. Le dossier Equidistancias (1969), publié par Argimon lui-même, présente les mêmes caractéristiques, avec cinq sérigraphies et une introduction d’Enrique Salgado sur l’esprit de l’artiste. Ces deux œuvres sont suivies de Àlbum DA (1971), également composé de cinq sérigraphies et publié par la galerie Adrià, et de La Noticia (1970), un dossier contenant cinq lithographies introduites par un texte de José Agustín Goytisolo et publié par Santos Aparicio. En 1977, avec La Polígrafa, l’artiste réalise la série Eines, contenant cinq gravures, et en 1983, une autre œuvre intitulée Objects de la Nuit, avec une gravure et un poème de José Ángel Valente, est publiée à Genève (Editart).

Argimon s’est également intéressé à l’édition sous forme de livres d’artiste. Dans ce domaine se distingue De oca a oca y tiro porque me toca, publié en 1969, avec des photographies de José Adrián, dans lequel les techniques de sérigraphie se mêlent à des collages, des découpages, des photographies, des dessins et des textes. Un an plus tard, l’artiste conçoit le livre du poète Ramon Canals, Poemes de 7 i no res. En 1975, il publie Consejos, un livre édité par Pascual Fort qui rassemble douze gravures accompagnées de douze textes-conseils d’Ana Maria Moix.

Depuis 1967, les estampes de l’artiste ont été présentées dans de nombreuses expositions collectives Espagne : El arte de grabar (Barcelone, 1967), Estampa popular (Barcelone, 1967 et 1985), Gravadors catalans d’avui (Barcelone, 1968), Feria del grabado (Barcelone, 1970 et 1972), 12 mestres contemporanis espanyols d’obra gràfica (Barcelone, 1973), Galería nova obra gráfica (Barcelone,1974), Gravat contemporani (Girone, 1974), Obra gràfica. Grans mestres del segle XX (Barcelone, 1976), Mini gravat internacional (Terrassa, Vic, Tarragona, Lleida, Girone et Barcelone, 1982), Calcografia contemporània a Catalunya. El gravat de creació (Barcelone, 1983), El grabado hoy: Catalunya (Madrid, 1984), Bienal de arte gráfico (Huesca, 1985), L´escola d´estiu internacional de gravat (Calella, 1986), Obra gràfica (Barcelone, 1987), Mini Print Internacional (Colliure, 1988), Obra gráfica Ab (Granollers, 1990), Gràfic art (Barcelone,1991 et 1992), Cop d´ull gràfica (Figueres, 1991), 1ª Trienal de arte gráfico (Oviedo 1995), Estampa (Madrid, 1995), Bicentenario de la litografía (Madrid, 1996).

Les gravures de l’artiste ont aussi été exposées dans plusieurs villes à l’étranger : Arte de España sobre papel (Santiago du Chili, Quito et Montevideo, 1972), 3ª Bienal internacional de grabado (Buenos Aires, 1972), Litografías originales (1979), Obra Gráfica (Mexico, 1982), Grandes éditions illustrées (Genève,1983), 9 British International Print Biennale (Bradford, Londres, Middlesbrough, Aberdeen, Swansea et Worcester, 1986), Graphica Creativa 87 (Jyväskylä, 1987), Mini Print International (Séoul, 1988), Anthologie d’estampes originales (Lyon, 1995).

Les années 1980 sont pour Argimon une période de plénitude et de consolidation de son prestige international non seulement pour son œuvre picturale mais aussi pour son travail dans l’estampe. En 1983, il reçoit le prix de gravure Mini Print Internacional (Cadaqués), qui reconnaît son parcours dans le domaine de l’oeuvre graphique. En 1989, l’Union Régionale pour le Développement de la Lithographie d’Art (URDLA) l’invite dans ses ateliers de Lyon pour réaliser une édition de lithographies.

Un an plus tôt, en septembre 1988, la galerie Franz Spiegel Buch d’Ulm avait présenté une exposition de cent œuvres de l’artiste (gravures, lithographies, sérigraphies et linogravures) et elle avait publié un catalogue complet reproduisant la quasi-totalité des cent cinquante œuvres creées par l’artiste jusqu’alors dans cette modalité. Trois ans plus tard (1991), Argimon expose une collection d’estampes réalisées entre 1975 et 1991 au Museo Nacional de la Estampa de Mexico City. À l’occasion de cette exposition, le musée publie un catalogue raisonné comprenant un inventaire complet de l’ensemble de l’œuvre graphique de l’artiste. Ces deux expositions, accompagnées des catalogues correspondants, offrent un aperçu complet de l’évolution de l’œuvre de l’artiste et témoignent du long chemin qu’il a parcouru.

Éditions d’œuvres graphiques (dossiers et livres)

1967

EL COURE AMB L’ÀCID I LA RESINA : 5 RESULTATS (Le cuivre avec l’acide et la résine : 5 résultats)

            Dossier : 5 gravures

            Texte : Roland Barthes

            Éditeur : Oriol Duran

1969

EQUIDISTANCIAS (Équidistances)

            Dossier : 5 sérigraphies

            Texte : Enrique Salgado

            Editeur : Daniel Argimon

DE OCA A OCA Y TIRO PORQUE ME TOCA (Le jeu de l’oie)

            Livre

            Photographie : José Adrián

            Procédé : sérigraphie

            Éditeurs : José Adrián-Daniel Argimon

1970

POEMES DE 7 I NO RES (Poèmes légers)

            Livre

            Poèmes : Ramon Canals

            Éditeur : Ramon Canals

LA NOTICIA (La Nouvelle)

            Dossier : 5 lithographies

            Poème : José Agustín Goytisolo

            Éditeur : Santos Aparicio

1971

D.A. 55-71

            Dossier : 5 sérigraphies

            Éditeur : Galerie Adrià

1975

CONSEJOS (Conseils)

            Livre : 12 gravures

            Texte : Ana Maria Moix

            Éditeur : Pascual Fort

1977

EINES (Outils)

            Dossier : 5 gravures

            Éditeur : La Polígrafa

1983

OBJETS DE LA NUIT

             

1 eau-forte

 Poème: José Angel Valente

 Éditeur: Editart